- LOUVRE (PALAIS DU)
- LOUVRE (PALAIS DU)LOUVRE PALAIS DULe palais du Louvre, élevé sur la rive droite de la Seine, a été considéré dès son origine comme l’édifice le plus hautement symbolique de Paris, capitale politique et culturelle de la France. Le comparant à l’Acropole d’Athènes et au Capitole de Rome, le XIXe siècle y voyait même une seconde capitale dans la grande. Ce caractère exclusif explique les dimensions gigantesques de ce palais dont les différentes parties, conçues avec continuité pendant huit siècles d’histoire, composent une véritable anthologie de l’architecture et de la décoration françaises. Anthologie incomplète cependant puisque, à l’occasion d’un changement de destination, le bâtiment médiéval disparut entièrement au milieu du XVIe siècle, remplacé par les constructions qui forment le noyau du Louvre actuel.Philippe Auguste, en créant le Louvre, le conçut comme une puissante forteresse jouxtant, à l’extérieur, le nouveau mur d’enceinte de Paris (1190). Symbole de la suzeraineté du roi, l’énorme donjon, dont l’entrée était située au sud, défendait la voie fluviale; Philippe le Bel accentua l’aspect massif de la construction en élevant une série de remparts: le Louvre était devenu le dépôt du trésor de l’État et des archives, ainsi qu’un redoutable arsenal. Mais ce n’est que sous Charles V (en 1360) que le Louvre devint résidence royale, quand la forteresse, intégrée à l’intérieur de l’enceinte d’un Paris élargi, eut perdu son rôle stratégique. Plus qu’un palais, le Louvre de Charles V fut un lieu de repos où l’on transporta, par exemple, l’importante Bibliothèque royale. Une des miniatures des Très Riches Heures du duc de Berry montre l’aspect du Louvre à cette époque: le château, percé de nombreuses baies, est encore massif, mais orné de multiples toits pointus à fleurons et girouettes. Les successeurs de Charles V préférèrent séjourner, lors de leurs passages à Paris, à l’hôtel royal des Tournelles, laissant ainsi le Louvre à sa destination antérieure d’arsenal, et aussi de prison.François Ier, de retour de captivité en 1528, s’était engagé à résider à Paris; il décida de faire du Louvre un palais royal. Malgré les brillantes réceptions qui y eurent lieu (notamment celle qui fut donnée en 1540 en l’honneur de Charles Quint), le Louvre médiéval ne convenait plus à un roi mécène qui avait encouragé tant d’expériences artistiques novatrices dans ses résidences d’Île-de-France et du Val-de-Loire. Le donjon est rasé et, en 1546, l’architecte Pierre Lescot et le sculpteur Jean Goujon sont chargés d’élever le nouveau palais sur les murs mêmes de l’ancienne construction. Avec ces deux artistes, l’art de la Renaissance était introduit pour la première fois, sur une grande échelle, à Paris. Lescot, qui fut chargé des travaux jusqu’à sa mort en 1578, mena à bien son œuvre grâce à l’intérêt que Henri II porta à l’entreprise de son père: l’aile occidentale était achevée dès 1549, et peu de temps après Goujon terminait la salle des Caryatides et le grand escalier. La décoration des appartements royaux (due à Francisque Scibec de Carpi) se poursuivait, quand Henri II envisageait déjà d’amplifier le programme initial et faisait élever l’aile sud (en retour d’équerre) qui, continuée par ses successeurs, formera l’amorce de l’actuelle cour Carrée.En 1564, Catherine de Médicis, désireuse de posséder une habitation personnelle, demande à Philibert Delorme de lui bâtir le château des Tuileries à l’ouest du Louvre. Dès lors, une nouvelle orientation s’impose au palais: sous le règne de Henri IV, on s’efforcera de l’unir aux Tuileries. La Petite Galerie, achevée en 1595, prolonge l’aile de Lescot en vue d’amorcer cette jonction; le peintre Toussaint Dubreuil est chargé de la décoration d’une galerie des Rois. La Grande Galerie, ou galerie du Bord-de-l’eau, commencée en 1595 et achevée en 1609-1610 par Louis Métezeau et Jacques II Androuet Du Cerceau réunissait, en un long corps de bâtiment long de 470 mètres, la Petite Galerie et le pavillon de Flore, à l’extrémité sud des Tuileries. En 1624, Louis XIII décide de réaliser l’achèvement du quadrilatère oriental: doublant en longueur l’aile de Lescot et l’aile sud, il arrête définitivement le schéma de l’actuelle cour Carrée. Jacques Le Mercier construit le pavillon de l’Horloge (1624-1660) qui domine l’ensemble avec ses grandes sculptures de J. Sarrazin. À la mort de Le Mercier (1654), Le Vau est chargé de l’achèvement des travaux: aile nord et aménagement des appartements royaux (1661-1663). Mais le plus remarquable ensemble est la galerie d’Apollon (à l’emplacement de la galerie des Rois), où les peintures de Le Brun s’insèrent dans des stucs dus au ciseau de Girardon, de Regnaudin et des frères Marsy. La galerie d’Apollon ne sera achevée qu’au XIXe siècle, car l’équipe de sculpteurs et de peintres travaille au même moment à Versailles; mais, avant que Louis XIV ne délaisse le Louvre, et sous l’impulsion de Colbert, une dernière réalisation est mise en chantier: la colonnade. L’entrée du palais s’est déplacée du sud vers l’est, face à la ville (dans l’axe d’une vaste composition qui va de Saint-Germain-l’Auxerrois, en passant par le jardin des Tuileries, jusqu’à la butte de l’Étoile), et Louis XIV projette une façade solennelle, digne du prestige de son règne. Bernin, pressenti, vient apporter ses plans à Paris en 1665. Ils sont abandonnés dès que leur auteur rentre en Italie, et la nouvelle façade, conçue comme un frontispice à l’antique, est entreprise en 1667 sur les plans émanant d’un «petit conseil» où le rôle de l’architecte Claude Perrault fut déterminant. Louis XIV quittant définitivement Paris pour Versailles en 1682, le Louvre perd pour toujours ses fonctions de résidence royale — en attendant que sous la Révolution ce rôle soit assigné au palais des Tuileries.Toujours en voie d’achèvement, le Louvre est appelé à une nouvelle destination, non moins symbolique que la précédente: devenir le palais des Arts du royaume. Non seulement l’immense palais renfermait d’importantes collections d’œuvres d’art, mais encore des services administratifs et «culturels». Dès 1640, l’Imprimerie royale y était installée; à partir de 1672, ce sont les académies royales qui y siègent à demeure. Au XVIIIe siècle, la destination du palais prend un caractère irréversible: le Salon de peinture s’y déroule régulièrement tous les deux ans, tandis que l’École royale des élèves protégés forme les jeunes peintres. Les artistes eux-mêmes, qui y sont logés avec leur famille, ont un atelier sur place. La colonnade de Perrault, considérée comme un chef-d’œuvre de l’art classique, est enfin dégagée en 1776 des constructions parasitaires qui l’encombraient. Mais, malgré d’innombrables projets de place devant cette façade ou d’agrandissement du palais vers l’ouest, le XVIIIe siècle se bornera à quelques aménagements intérieurs (salles d’exposition par De Wailly; projet d’éclairage zénithal de la grande galerie par Hubert Robert).C’est à la Convention que revient le mérite de la création du Muséum central des arts (1792), et à Napoléon Ier celui de la reprise des grands travaux de construction. Les architectes du palais impérial des Tuileries, Percier et Fontaine, réalisent successivement: l’arc de triomphe du Carrousel (1801-1806), l’achèvement des façades sur la cour Carrée (1801-1810), l’aménagement de nouvelles salles du musée et, surtout, l’amorce de l’aile nord, entre les Tuileries et la place du Carrousel, en bordure de la rue de Rivoli nouvellement tracée (1806-1812). Napoléon III, qui continue l’œuvre inachevée du premier Empire, réalise l’uniformisation de toutes les parties du Louvre en créant un type d’architecture historique, somptueuse et grandiloquente, où le talent de ses deux architectes, L. T. Visconti et H. M. Lefuel, s’est déployé avec beaucoup d’opportunité: l’aile nord est complétée par les façades de la rue de Rivoli; les deux ailes du Louvre sont doublées du côté des jardins et les guichets sont ouverts au niveau du pont du Carrousel; les pavillons de Flore et de Marsan reçoivent une nouvelle décoration...Le musée du Louvre, ainsi achevé, échappe à l’incendie de la Commune qui ravage les Tuileries: en 1882, celles-ci sont totalement rasées, laissant un espace libre au déploiement de la plus vaste perspective de Paris. Le palais du Louvre, totalement réaménagé à l’intérieur, entre 1934 et 1939, ne subit plus que des restaurations, ou des restitutions, tel le dégagement du soubassement de la colonnade en 1964-1967. En 1981, le président François Mitterrand annonce le projet du Grand Louvre: étendre le musée à l’ensemble du palais en lui donnant l’aile nord, construite sous Napoléon III et occupée par le ministère des Finances depuis 1871. En novembre 1993, l’aile Richelieu est inaugurée, une première phase de travaux (1983-1989) ayant porté — au milieu de polémiques parfois violentes — sur l’aménagement de la cour Napoléon au centre de laquelle s’élève une pyramide de verre marquant l’entrée principale (1989). En 1994, les salles de sculpture de l’aile Denon ont été ouvertes. L’ensemble du projet, réalisé en un laps de temps remarquablement court, est dû à l’architecte américain d’origine chinoise, Ieoh Ming Pei. De toute façon ne sera pas résolu — malgré l’effort actuel de modernisation — le problème de l’inadéquation d’un édifice de prestige, qui a reçu en 1994 plus de six millions de visiteurs, aux exigences de la muséographie moderne.
Encyclopédie Universelle. 2012.